Marta Mezzino
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YUNAIA Blog

Réflexions autour d'un silence assourdissant

6/22/2020

1 Comment

 
Très chères toutes et tous,


j'espère que tout va pour le mieux pour vous dans ces temps difficiles que nous traversons. Qui nous traversent.


J'ai commencé à écrire cette newsletter il y a environ trois semaines, quelques jours après l'assassinat de George Floyd, quelques jours après que ne s'embrase l'indignation contre le racisme et la violence policière aux Etats Unis.


Je brulais de l'interieur.


Pendant ces dernières semaines, j'ai dû gérer et être très présente aux grands changements par lesquels ma vie est traversée ces temps-ci (que je partagerai avec vous dans un autre moment), ce qui ne m'a pas permis de m'assoir et écrire jusque-là.


Pendant ces dernières semaines j'étais parcourue par de très fortes émotions de tristesse et de colère.


Je me suis vraiment sentie sans mots et en même temps innondée de trop de mots encagés dans mes chairs qui cherchaient désespérément une voie de sortie.


Ce fut, et c'est encore, une œuvre de grand travail intérieur pour pouvoir reconnaître et accueillir ce que je sens, trouver les mots pour commencer à dire et en même temps en ne projetant sur rien ni personne ce qui se passait en moi.


Je commence...


J'ai senti une si grande colère et tristesse face à l'énième homicide raciste.


Colère et tristesse face à l'énième épisode de violence mortifère de la police.
Colère et tristesse face à la négation de ce que le racisme et la violence policière ne sont pas des phénomènes spécifiquement états-uniens, mais une réalité partout présente.


Colère et tristesse face aux résistances de beaucoup à regarder dans les yeux le fait que le racisme est un phénomène inhérent et structurel du capitalisme. Que le colonialisme, le post et neo colonialisme et les politiques migratoires sont des manifestations interconnectées de la graine capitaliste et patriarcale qui a été planté sur cette Terre depuis plusieurs siècles. Et que, du fait que nos vies s'y trouvent complètement immergés, nous ne faisons que la nourrir chaque jour, d'une façon ou d'une autre.
Et que, la myriade de formes que le développement d'une telle graine à pris dans la réalité extérieure, n'est que le reflet de la myriade de formes qu'elle a pris à l'intérieur de nous-même. Et qu'elle prend, à chaque instant.
Colère et tristesse face à l'énième négation du fait que le suprémacisme (l'idée que, dans une collectivité, un groupe soit plus important qu'un autre et qu'en de ce fait, en vertu d'une race, sexe, validité, classe sociale, etc.. supérieure, puisse dominer le reste) est une réalité intérieure de la même façon que sont réelles toutes ses manifestations extérieures.


Tristesse et colère qu'il soit encore besoin de discuter s'il existe, et ce que signifie, le Privilège Blanc.


Dans ce cocktail puissant, il y eut des ingrédients particulièrement difficiles à digérer. Je ne vous en ferai pas la liste complète, mais il y a quelque chose que j'ai vraiment envie de nommer avec vous ici : le silence de nombreux groupes spirituels, d'enseignants, pratiquants, étudiants de yoga, écoles shamaniques, arts de guérisons, et d'autres inspirations spirituelles.


Particulièrement assourdissant fut pour moi le silence de nombreuse femmes blanches engagées dans ce que l'on appelle «Le Réveil du Féminin». Il m'est tellement difficile de comprendre comment il soit possible d'invoquer en continuation la sororité pour le Réveil du Féminin Global puis soustraire nos voix à ce qui se passe. Il m'est si difficile de comprendre comment il est possible de se refuser de dire clairement : « OUI ! Nous devons faire notre travail de reconnaissance de notre propre ombre en tant que femmes blanches ». Car, aujourd'hui, de dire simplement (si encore on le dit!) «nous sommes avec vous », ça ne suffit pas. Autant qu'il ne suffit pas d'avoir des ami-es non-blanc, ou d'aller faire quelques courses dans des magasins exotiques (terme qui, en soi, me donne déjà des frissons), travailler dans une ONG ou soutenir les luttes de migrants (et j'en parle de ma propre expérience).

Il y a quelque chose de plus grand et plus profond à explorer… dans nos consciences, dans nos corps..



Oui, cher-es ami-es, encore une fois l'indignation m'a traversé face à la difficulté et les résistances que ceux et celles qui se disent sur un « chemin de conscience » ont à reconnaître, se confronter et se positionner face aux structures du pouvoir.
Résistances à reconnaître combien ces structures demeurent ancrées dans nos profondeurs. Combien nos cellules en sont imprégnées, ainsi que notre ADN, et combien elles conditionnent, de manière plus ou moins conscientes, notre façon de regarder, penser et vivre nos vies.


J'ai pu enfin mettre quelque mots sur tout cela.. ce qui suit, sont des questions ouvertes, des espaces de réflexions, un work-in-progress dans lequel je suis moi-même plongée et engagée. Je ne les considèrent d'aucune manière exhaustives, ni même ne veux pointer du doigt qui que ce soit en particulier. Mais après avoir observé et vécu certaines dynamiques dans lesquelles je ne me reconnais pas, qui ne résonnent pas pour moi (dynamiques intérieures et extérieures), j'ai eu le besoin de chercher à dire les choses de la façon la plus claire qu'il me soit possible de le faire en ce moment.


Ce sera pour moi un grand plaisir d'entendre vos impressions, réflexions au regard de tout cela..


-Le racisme, le colonialisme et les dynamiques post et néo-coloniales sont des phénoménes avec lesquels nous autres blancs-ches nous devons faire les comptes. Qu'on le veuille ou non. Ça fait partie de notre ombre collective dans laquelle nous devons trouver le courage de regarder si nous voulons vraiment commencer une œuvre de co-création d'un monde vraiment différent.
Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'expliquer combien l'idée de la suprématie de la race blanche a non seulement rendu possible le saccage et la destruction de civilisations rencontré sur le chemin de l'homme et la femme blanc-ches, mais les a aussi, pour si longtemps, normalisés. Et combien tout cela a pu influencer et influence encore les dynamiques post et néo-coloniales qui régissent notre monde.
Je ne pense pas que de se considérer sur un chemin de recherche spirituelle puisse nous dispenser de la responsabilité de connaître les aspects obscurs de l'histoire dont nous sommes issus. Et, surtout, de la responsabilité de nous interroger à fond sur quoi, et dans quelle mesure, les valeurs qui ont imprégnées cette histoire font encore partie de nous, d'une façon plus ou moins consciente.


Bien entendu, aucune personne sur un chemin de conscience ne voudra jamais se charger de l'étiquette de raciste ou de neo-colonialiste, ou plus en général de quelqu'un qui pourrait exercer une quelconque logique suprématiste, et pourtant...


...Ces dernières années j'ai vu naitre et grandir festivals et projets de yoga de toutes sortes, sponsorisés par des marques telles que Adidas ou Nike, pour ne citer que ces deux. La délocalisation de centres de productions de ces grandes multinationales, guidée par une logique mochement capitaliste et solidement enracinée dans la réalité postcoloniale (structurellement raciste) sur lesquelles il ne me semble pas nécessaire de venir m'étendre ici, l'exploitation des travailleurs et des mineurs qui vont avec et qui sont dénoncées depuis plusieurs décennies, ne sont rien de nouveaux. Et pourtant, une grand partie du monde du yoga, rayonnant dans son aura de Lumière et d'Amour (desincarnés?), déconnecté de l'expérience des corps et des âmes de femmes et hommes non-blancs, semble l'ignorer.
Face à cela, comment se penser dégagé du privilège blanc et de ses formes (inconscientes?) de racisme et suprématie? N'est-ce pas cela qui nous permet d'être fiers et heureux de participer, ou encore mieux, d'être protagonistes de tels évènements ? D'offrir nos corps (j'espère bien non pas nos âmes, même si au bout de toutes ces années je me demande comment est-il possible de les dissocier) pour promouvoir, d'une façon plus ou moins active, des marques dont l'absence d'éthique n'est plus à rediscuter ?

On parle souvent de green washing, peut être devrait-on commencer à parler de spiritual washing..?


Mais nous, combien de responsabilité avons-nous dans la reproduction de ces dynamiques d'exploitation raciste quand nous acceptons de telles invitations et propositions ?


Et la si fameuse non-violence dont nous parlons si souvent dans les salles de yoga, où finit-elle dans ces situations ?


Pourtant le drapeau de la non-violence est vite agité quand on affirme « non, je ne suis pas raciste. Mais je ne suis pas d'accords avec la violence des manifestations ». Quand on parle de « détachement face aux faits du monde », quand on affirme que « chacun est responsable de la réalité qu'il-elle manifeste dans sa vie ».


Et dharma et karma se déroulent pour argumenter si et comment il serait juste ou pas, de protester.


Qui d'autre, pourrait affirmer de telles choses sinon quelqu'un de confortablement installé dans son privilège ?


-Dharma, Karma, Ahimsa, pour ne citer que quelques termes qui se déversent sur les réseaux sociaux en pillule de sagesse.. Combien d'appropriation culturelle existe-il dans la prétention à expliquer le réel en quelque lignes (avec une belle photo de nous en méditation), en s'appropriant des concepts dont la profondeur réside dans une langue, sacrée, qu'une infime partie de pratiquants connait ?
Aucune chercheuse-eur sérieuse-x ne se permettrait jamais de parler de concepts philosophiques d'un quelconque auteur-autrice occidental-e, sans l'avoir lu et relu en langue originale. Et pourtant, dans le monde du spirituel, avec une grande nonchalance, cette attitude est quotidienne.
Étant donné que la plupart de la connaissance philosophique et spirituelle au creux de ces disciplines est aujourd'hui accessible aux pratiquants occidentaux à travers traductions dans ou depuis la langue anglaise (dont l'exactitude est vérifiable par très peu d'entre nous), ne serait-il pas un acte de subtile (mais non moins violente) appropriation culturelle que celui de penser pouvoir balancer des concepts que la majorité d'entre nous n'avons connu que par des traductions que nous avons accepté sans questionnement ? Concepts dont la profondeur habite non seulement dans la signification mais aussi dans la vibration même de cette langue et, donc, intraduisible dans son essence ?


Un autre exemple ?


Les poèmes de Rumi... On le voit cité souvent en anglais (ou dans des traductions tirées de la version anglaise). Combien de ces citations émanent d'une vraie reliance avec l'univers de Rumi ? La version la plus connue de l'œuvre de Rumi est celle, anglaise, de Coleman Barks, poète et professeur universitaire états-unien. Personnellement je trouve ici la langue de Barks très belle et musicale. Mais Barks ne connait pas le persan, et si nous creusons un peu plus nous découvrons qu'il a réécrit les poésies de Rumi à partir de traductions anglaises considérées comme « lourdes » et « peu accessibles » au lecteur occidental. Barks a même affirmé avoir voulu offrir au lecteur occidental le « message essentiel » de Rumi. De quelle lourdeur parle-t-il donc ce professeur ? Et, surtout, de quelle essence ?
Toute référence à l'Islam (comme par hasard) disparaît dans la traduction de Barks, ainsi que la densité d'un langage et d'une mystique qui ne sont pas si simple à traverser, ni si accessible sans une grande attention, ouverture et remise en discussion de qui nous sommes (en français existent des traductions bien plus soignées et engageantes).
Il y aurais encore tellement à dire, mais ce qui m'intéresse est simplement d'ouvrir un espace de réflexion sur combien l'appropriation et le colonialisme culturel (cachés) sont présents dans les attitudes du remede spirituel et je-me-sens-bien qui peuplent nos cercle spirituels.


Et combien d'exotisme (qui est dans son essence blanc et occidental) et manque de profondeur émergent en filigrane dans l'idée de pouvoir accéder à des chemins spirituels sans devoir plonger dans leur complexité ; spiritualités auxquelles on s'accroche alors pour pouvoir survivre, sans trop de remise en question ni d'efforts, dans un monde qui s'effrite sous nos pieds, sous nos yeux.


Non, nous ne sommes pas colonialistes.. et pourtant, quelques livres d'histoire, quelques auteurs ou autrices d'études postcoloniales (non occidentales si possible!), ne ferait peut être pas de mal dans les programmes de formation de yoga ou des écoles spirituelles... on pourrait peut-être éviter d'autres formes de violence, ne serait-ce que simplement verbales et formulés dans les tons « passif agressif » que nous connaissons si bien dans ces milieux. Ces violences exercées, surement sans le vouloir, je n'en doute pas, par les jugements détachés envers ceux qui, depuis des siècles, subissent et continuent à subir, une situation d'oppression. Et qui, aujourd'hui, disent : « STOP ! ».


Mais c'est vraiment ce pouvoir d'opprimer « sans le vouloir » qui est en cause, et qui nous indique notre position de privilégiés que j'essaie de mettre en lumière ici. Et je crois qu'aujourd'hui plus que jamais, ce à quoi nous somme chaudement invité-es, nous, personnes blanches (sur un chemin spirituel ou pas, en vérité là n'est pas la question), c'est de reconsidérer d'où nous venons et avec quelles attitudes nous nous sommes appropriés, et nous nous approprions encore, sans le vouloir, le monde.
Et donc d'essayer de démanteler, déconstruire à l'intérieur de nous tout ce qui nous fait penser que le monde, la Nature (dont tout le monde parle aujourd'hui, mais combien vont vraiment à sa rencontre parmi nous?), les cultures sont disponibles, consommables, objets utilisables pour essayer d'apaiser le vide infini qui nous dévore de l'intérieur.

C'est à nous de choisir de regarder et écouter ce qui ressort du vase hurlant de Pandore ou bien continuer à penser et pratiquer des formes plus ou moins subtiles d'appropriation du réel, et si profondément blanche.


-Je ne nie en aucune façon la possibilité d'un regard spirituel à partir duquel observer ce qu'il arrive dans nos vies (individuellement ou collectivement). Au contraire! Mais quand un tel regard s'absolutise et n'est plus en mesure d'accueillir et de reconnaître l'expérience incarnée d'une partie de l'humanité qui vit et a vécu des siècles d'oppression et de violence nous (re)devenons les complices d'une telle oppression. Nous sommes, encore une fois, depuis les hauteurs de notre position privilégiée, en train d'exercer et de renouveler cette même oppression.


Quand le "regard spirituel" nous permet de ne pas rentrer en contact avec nos émotions (surtout celles les moins brillantes), avec celles de l'Autre, émotions enracinées dans une expérience Autre à laquelle nous, nous n'avons pas accès depuis notre privilège, quand on l'utilise pour fuir de notre condition humaine, de notre souffrance, de la possibilité de regarder les myriades d'aberrations que nous avons été capables, et le sommes encore, de manifester en tant qu'humanité, ce regard devient alors une arme d'offense terriblement dangereuse. Une arme avec laquelle, à chacun de nos pas, avec nos clichés spirituels et nos silences, nous écrivons et réécrivons le privilège blanc sur cette Terre.
Un privilège que nous continuons à refuser de regarder et que nous continuons, inconsciemment, à nourrir.
Un privilège taché de sang qu'aucune invocation du principe de l'Unité ne pourra jamais laver. Et nous tombons, justement, dans cette dualité de laquelle nous cherchons à fuir en invoquant cette même Unité.



-Pendant ces dernières années j'ai pu observer souvent combien la posture du spiritual bypassing (evitement de la réalité incarnée au nom de la dimension spirituelle) est l'alliée parfaite des logiques de domination (elles, bien terrestres et très incarnées !). Logiques qui continuent à laisser leurs empreintes de domination sur le corps de l'Autre, et à écrire et réécrire le privilège duquel, l'Autre, en tant qu'Autre, est et sera toujours exclu.


Combien de fois durant ces années dans le monde du yoga, en cherchant de faire avancer des réflexions, pratiques, recherches autour du corps de la femme, de nos cyclicités, et de nos fonctionnements énergétiques j'ai pu entendre me répondre que « l'âme n'a pas de genre », que c'est « important de ne pas tomber dans la dualité », dans des questions de genre, que « Tout est UN ».


Et nos corps, alors ?


Combien de fois, en remettant en discussion la nécessité de toucher, en vertu de « nécessaires ajustements » des corps desquels nous ne connaissons pas les histoires ni les expériences de vie, je me suis entendu dire que « si le geste est fait avec l'intention de faire le Bien (?) et si la personne en question est d'accord « les ajustements sont teeeeeellement guerisseur ». Mais combien de personnes qui ont subi des violences ne sont absolument pas en capacité d'établir la limite physico-énergétique du contact avec l'autre ? Ni ne peuvent dire : « Non, je ne veux pas être touché-e ». Mais cela, comme quantité d'autres choses, ne sont pas abordés dans une formation de yoga, car on présuppose que, si nous enseignons le yoga, c'est que nous faisons du Bien.


Et c'est justement dans la négation de l'expérience corporelle de l'autre que le spiritual bypassing, insidieux, permet de continuer à écrire les relations de pouvoir qui soutendent notre société et relient les différents groupes sociaux auxquels, d'une façon plus ou moins transversales, nous appartenons toutes et tous.


Veut-on vraiment continuer à bypasser la réalité au nom d'un royaume plus élevé?


-Chaque fois que j'ouvre un espace de partage entre femmes, il me tient à cœur de partager qu'il ne suffit pas de s'assoir entre nous pour sortir du système patriarcal. Et que nos cercles n'en sont pas libres. Le patriarcat est en nous, ce n'est juste pas une bête extérieure de laquelle se défendre ou combattre. Le patriarcat est dans nos cellules et imprègne les relations que nous avons avec nous même, avec nos propres corps, avec les autres femmes, avec tous les êtres vivants et avec cette Planète. Et que si nous résistons à plonger dans tout ce qu'il y a de patriarcal en nous (un travail extrêmement long, dur et parfois vraiment douloureux mais qui nous offre aussi des cadeaux incommensurables) nous pouvons lire, participer à tous les cercles et retraites qui existent, écrire post et livre à succès, mais les logiques que nous avons introjectées continueront à être actives en nous. Et, peut-être même pire, nous continueront à les reproduire, cette fois couvertes par un halo feminino-spirituel qui rend tout beaucoup plus sournois et difficilement reconnaissable et transformable.
C'est selon moi, ce travail sur notre ombre, que tout cercle (de femmes ou autres) devrait pouvoir laisser émerger pour chacun et chacune d'entre nous.
Malheureusement il n'en est pas toujours ainsi. Dans ces dernières années on assiste à une grande profusion d'évènement de toutes sortes liés au Féminin. Ou aux femmes ? Mais est-ce-que il y a une différence ? Y-en-a-t-il une ? Et qu'est-ce qu'il se passe pour qui ne se reconnaît pas dans un genre? Cette année j'ai vu différent post célébrer le 8 mars comme étant la fête du Feminin...! Peut-être y-a-t-il un peu de confusion, de négation de l'histoire contenue dans la célébration du 8 mars?
J'ai l'impression parfois que cette profusion est paradoxalement en train de diluer la possibilité de réflexion et de profondeur dont nous avons désespérément besoin si nous voulons transformer ce qui nous opprime depuis des millénaires.


Que pourrait-on inventer aujourd'hui, ENSEMBLE, pour sortir de cette spirale ?


J'ai toujours plus l'impression que ce qui compte aujourd'hui n'est pas tant de s'immerger, pratiquer, approfondir, étudier vraiment les questions qui nous traversent, que d'utiliser ces questions pour inonder le réseau de photos de combien nous sommes belles, libres, réalisées et sacrées. Il est très difficile d'exister dans ce contexte si nous ne vendons pas continuellement notre image. Si nous ne parlons pas continuellement, encore une fois, à travers des images assez formatées et formatantes, puisque les mots, s'il y en a, doivent être rapidement comestibles et digeste, pour que, rapidement, quelqu'un puisse liker, pour que celle ou celui qui nous lit ne s'ennuie pas et puisse, rapidement, hypnotiquement, et commodément cliquer sur le Like de la photo de vacances qui suit. Si nous ne montrons pas combien de choses si spéciales nous faisons, si nous ne vendons pas continuellement des packs qui promettent d'accéder à note vraie magie féminine, d'expérimenter de fabuleux orgasmes cosmiques, etc..


N'est-ce pas violent pour vous d'entendre autant parler d ' « aller à l'intérieur », « écouter ses besoins », de «se mettre en résonnance avec ses propres rythmes » et puis, pour pouvoir exister et travailler, accepter de « devoir » fonctionner à travers des algorithmes qui vont régir notre visibilité ? Une visibilité nourrie par un langage esthétique et de marketing qui ne s'éloigne pas vraiment, voire pas du tout, de celui mainstream de tout milieu professionnel, profondément capitaliste et patriarcal ? Toujours hyper connectée, toujours joignable et active?


Combien de tout cela fait partie de notre ombre, qui nous façonne de l'intérieur, malgré nous, et que nous nourrissons quotidiennement à partir de notre conditionnement, à partir de ce que nous avons introjecté depuis que nous étions dans le ventre de nos mères?




Je crois que le silence dans lequel s'est immergée, par à rapport à la question du racisme, une grande partie de femmes blanches plus ou moins connues de ce mouvement du réveil du féminin, est à l'image de cette difficulté à descendre dans notre ombre. Dans ce cas, notre difficulté de descendre dans notre ombre de femmes blanches. Et le nommer. Nommer nos privilèges et nos propres croyances et préjugés cachés et introjectés.
Je crois profondément, en tant que femme blanche et personne blanche, qu'aujourd'hui manifester de l'empathie envers les luttes anti-racistes, dire que « nous somme anti-racistes » et que nous sommes dans le camp de qui proteste, ne soit pas suffisant pour démanteler les structures racistes du monde dans lequel nous vivons et qui nous habitent (inconsciemment).
Nous avons besoin de descendre dans notre ombre sans compromis ni concession. Nous devons avoir le courage de l'admettre. Et de le faire. Parce que c'est dans cet espace que le racisme structurel puise ses racines. C'est notre responsabilité, si douloureux qu'un tel processus puisse être.

Couper les feuilles et les branches d'un arbre pluri centenaires ne pourra jamais le déraciner de la forêt dans laquelle il respire.



Si nous n'acceptons pas de regarder cela dans les yeux, si nous n'acceptons pas de nous immerger non seulement dans le patriarcat, mais aussi dans ce que du capitalisme, du racisme, du validisme, du sexisme (dont les cercles de femmes ne sont pas épargnés) et de tous les autres « ismes » qui impliquent le suprématisme qui demeurent en nous, d'une façon plus ou moins cachées, nos pratiques spirituelles ne deviennent qu'un puissant anesthésiant qui ne fait que nourrir la perversité du système dans lequel nous vivons.


Faisons-le, avec le courage, la détermination et toute la douceur et le pardon envers soi-même dont nous avons besoin.


Éduquons nous.
Écoutons.
Plongeons.
Arrêtons de nous défendre.
Invoquons tout le courage sauvage dont nous avons besoin, la tendresse, la compassion et le pardon envers nous-même.
Arrêtons de transmettre un héritage dont nous ne pourrons jamais être fier aux générations qui viendront.
Arrêtons de nous cacher.
Accueillons nos hontes et notre (blanche) fragilité, notre (blanche) vulnérabilité...
Et plongeons dans ce travail, choisissons de contribuer à l'ouverture d'un espace pour qu'une nouvelle histoire de co-création puisse émerger sur cette planète.



Le feu brule depuis trop longtemps...


Je suis convaincue que ce qui se passe est un don précieux et puissant, une invitation à une transformation tellement profonde et qui peux amener à une vrai (r)évolution.


Ensemble nous pouvons le faire.


Ensemble, comme l'Autre et Moi.
Ensemble, comme Moi et toutes Ces Parties de moi qui ne rayonne pas de la lumière.
Ensemble, comme Toi avec ta Lumière et ton Ombre et Moi avec ma Lumière et mon Ombre.


Avec compassion infinie et tendresse.

Ce n'est pas une question de culpabilité ou faute.

C'est une question de Responsabilité.


Avec Amour,


Marta










1 Comment
fabienne gratas
6/23/2020 05:42:05 am

chère Marta,
ouah c est un réel plaisir d avoir de tes nouvelles et de te lire. Te voilà engagée dans le voie du feu, c était déjà le cas dès le mois de mars. Aucune doute que ce feu te dévore et la femme brulante et passionnée est en 1ère ligne. Tu ne manques pas de courage et a tous les outils pour vivre cette épreuve, merci de partager ton intimité. Tu as bien fait de dire tout ça et je t espère désormais soulagée d avoir crié ce qui te blesse. Je crois que ce que tu as entrepris de vivre depuis qqs années monte en puissance avec sa part d ombre et de lumière forcément. c est une épreuve qui se présente quand c est le moment je crois, et là les conditions dans le monde amènent matière à amplifier et accélérer les réactions, c est la tienne que tu viens de nous décrire. Tellement de choses révoltantes... Il y a qqs jours je disais que je ne voulais plus vivre dans ce monde et je le vivais vraiment en moi, au point d avoir peur d une intuition de ma mort imminente. Cela dit , à qui voulait l entendre, me voilà avec une envie pressant , celle de revenir encore plus étroitement à moi pas du tout de manière égotique tu l auras compris, mais déterminée à faire ce que je peux, loin des concepts, des traditions, des voies, des pratiques, mais pleinememt dans la vie qu il m est donnée à vivre, tout le reste me fatigue et me fait perdre l essentiel. Je n ai pas le courage et ou l envie de plonger dans l ombre de moi même, il fait dèjà bien sombre, je crois qu on a plus que jamais besoin de lumière et je voudrais avoir la force de rayonner encore et continuer de croire en la vie, la vraie, la toute simple celle qui se manifeste autour de moi à chaque instant. Certains portent l ombre d autres la lumière, certains portent l eau d autres nous nourrissent. Certains soignent soulagent et d autres exploitent et tuent....... Et arrive ce qui arrive dans ce monde oü, l homme corrompu s est perdu. On ne peut pas lui en vouloir c est tellement facile de se faire détourner. Merci de faire courageusement ta part Marta, tu seras un témoin et un guide quand le moment sera venu pour d autres de traverser ce genre d épreuve. Toi seule peut vivre ce que tu vis mais je serais toujours honorée de te lire ou mieux de te revoir, sache que je chemine à tes cotés avec tous et toutes. De tout coeur
Fabienne

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